Le 7 avril dernier, j'étais invitée par l'Espeme à être la marraine de la promotion 2011. Voici pour ceux qui n'étaient pas là le discours en intégralité... même si sur place et en fonction des réactions du public, il y a eu quelques ajustements.
Monsieur le directeur,
Mesdames et Messieurs,
Chers lauréats,
Avant tout, je tenais Monsieur le directeur, à vous remercier d’avoir pensé à moi. Cette attention m’a vraiment touchée et je suis heureuse, quoique impressionnée par un tel public, d’être la marraine de cette promotion sortante de l’Espeme. C’est un véritable honneur.
La proposition que vous m’avez faite, il y a deux mois, m’a fait voyager dans le temps. Un flash back émouvant, car les années Espeme restent gravées en moi. J’avais peut être oublié quelques anecdotes. Malheureusement ou heureusement, il n’y avait pas facebook et google pour conserver notre mémoire, mais j’ai pu compter sur Juliette, ma fidèle amie rencontrée le jour de la rentrée en septembre 1994. Vous savez, ce jour où l’on pense venir pour des formalités administratives et que l’on se retrouve « séquestré » 8 heures d’affilées par un jeune professeur d’informatique, Bernard Curzi pour ne pas le nommer, bien décidé à nous faire entrer dans la tête que la maîtrise de word serait le fondement de notre réussite professionnelle. Aujourd’hui encore, je garde de graves séquelles de ces premières heures, en sursautant à chaque fois que je lis des documents abusant de la touche tabulation.
Il y a 13 ans, je me trouvais là, comme vous, c’était le jour de ma remise des diplômes. Notre directeur nous apprenait que l’école serait dorénavant reconnue par l’Etat… Une bonne nouvelle pour nos successeurs car cela ne faisait que renforcer sa valeur. Pour nous, les précurseurs, l’important c’était qu’elle soit « reconnue par les entreprises ».
Au-delà de l’enseignement à proprement parlé, l’Espeme, cela a aussi été pour moi une vie associative riche avec la campagne BDE, la course croisière Edhec à Lorient, et la rédaction de la vie nocturne du Pitchoun, une expérience et un enseignement à l’étranger avec un semestre d’études à Brighton, et puis la vie avec les espeme et ces soirées au Zoom ! Tout cela, est venu enrichir le cursus pédagogique de l’Espeme, et tout cela, je ne l’ai pas oublié.
Alors, en vous voyant ce soir, chers lauréats, je me rappelle cet événement fondateur qu’est la remise des diplômes ; la conclusion de 4 années d’apprentissage, de rencontres, en somme d’expériences et je vous envie presque.
Il y a 17 ans, à l’Espeme, Martine Bizeuil (notre professeur de développement personnel) nous sensibilisait aux RH en nous expliquant qu’il fallait dire bonjour à tous et à chacun, Bernard Curzi nous faisait découvrir le révolutionnaire windows 3.0, Marc Izembart nous expliquait que pour devenir riche, il suffisait de posséder un fax et de jouer au golf, Michel Yves-Bonnet (le responsable de la filière marketing) nous demandait de choisir deux verbes parmi une liste pour définir nos objectifs. J’ai choisi « créer » et « innover » voilà comment, j’ai pu rencontrer les directeurs de deux agences de publicité pour la rédaction d’un dossier.
Une révélation… déjà une destinée professionnelle qui se traçait.
Il paraît que traditionnellement le discours du parrain de promotion comporte deux parties. Dans la première il évoque sa carrière et dans la seconde, il donne quelques conseils que son expérience peut légitimer.
Alors, pour aller vite sur la première partie, au début j’ai eu de la chance, beaucoup de chance. Je n’ai jamais eu de plan de carrière mais pour mon dernier stage, j’avais deux idées en tête : aller à Paris et travailler dans la publicité.
A l’attention des parents, non dans la publicité, il n’y a pas que des drogués, il y a surtout des gens très bien. Je fais cette parenthèse car mon papa avait cette préoccupation.
Je réponds alors à une seule annonce et obtiens ce stage au service marketing chez Avenir (l’afficheur qui tient ses promesses). J’y fais certaines de mes plus belles rencontres professionnelles.
Tout d’abord mon mentor Stéphane Martin alors directeur marketing que j’ai ensuite suivi au Syndicat National de la Publicité Télévisée, puis mes « chefs » devenues copines Isabelle et Agnès qui m’ont fait découvrir Paris et le monde de la publicité, et enfin, le directeur délégué au Patrimoine pour lequel j’ai un jour fait une présentation powerpoint. Je ne comprenais pas vraiment son métier ni pourquoi il avait besoin de cette présentation, mais j’ai consciencieusement fait semblant de comprendre et pris sa demande très au sérieux. Cet homme, c’est Bruno Belliat, quelques années plus tard, il était devenu directeur le la communication et du marketing de France Télévisions Publicité, la régie du groupe France Télévisions, que vous connaissez tous. Et en 2007, alors que j’étais Chef de groupe études et communication au Syndicat de la pub tv, il m’a demandé de le rejoindre en me proposant un joli poste, celui que j’occupe actuellement, celui de responsable de la communication.
Mais, tout n’est pas arrivé par miracle. Au début de ma carrière, j’ai connu aussi le doute et même parfois, le découragement…
A la fin de mon premier stage, je voulais travailler dans la pub ou dans les médias. Avec la plus grande obstination, j’ai donc enchaîné les lettres de motivation, manuscrites à l’époque, pour tous les grands groupes audiovisuels, toutes les grandes agences de publicité. Je l’avais décidé : « non, je ne serai pas commerciale en grande distribution, ce n’est pas ce que je veux faire dans la vie, je ne céderai rien, quitte à entrer par la petite porte ».
En 1998, Canal+ était encore sous l’ère Lescure avec le Nulle part ailleurs de Gildas et de Caunes… une émission culte. Au fond de moi, c’était mon rêve. Je me souviens qu’en écrivant ma lettre, Arnaud un de mes camarades de promo clairvoyant m’avait dit que je n’avais aucune chance car Canal recevait 6 000 candidatures par jour (je le cite).
Et puis, un jour, mon portable sonne (oui, on n’avait pas encore internet à la maison mais on avait déjà presque tous un portable). C’était un recruteur de Canal+, j’ai cru que c’était une blague...
Je parlerai peu de mon expérience chez Canal, parce que même si c’est une belle entreprise et que j’y ai appris une chose fondamentale ce n’était pas l’endroit où, à ce moment-là, je pouvais m’épanouir ; l’organisation ultra parcellaire convenait finalement peu à ma personnalité de l’époque.
Chez Canal, j’étais en charge du marketing relationnel, et dans ce cadre, je m’occupais des invitations des abonnés à des spectacles et des avant-premières de films. Odile, qui dirigeait le service, à l’époque, m’avait convoqué un matin pour me dire que je m’habillais toujours en noir, ce qui lui faisait peur (je vous rassure, je n’ai jamais flirté avec la mouvance gothique) et qu’il fallait que je passe 50% de mon temps à faire mon marketing interne. Ma naïveté et mon idéalisme m’ont fait lui répondre, que je préférais alors travailler à mi-temps… Un brin insolent, je vous l’accorde.
Mais en y réfléchissant, Odile avait certes exagéré (50% c’est beaucoup trop) mais n’avait pas tout à fait tort : apprendre à gérer son image est en réalité important, si ce n’est indispensable. Le tout c’est de le faire avec finesse.
Après cette expérience, je suis restée 5 mois à chercher du travail. 5 mois qui m’ont semblé interminables. Une période où on a l’impression que personne ne nous fera confiance. Tous les recruteurs cherchaient des jeunes de moins de 25 ans avec plus de 5 ans d’expérience… une équation compliquée… et je ne parle pas de ceux qui vous font vous déplacer, pour vous proposer un stage… et s’étonne de votre mine déçue.
Mais même durant ces mois, je n’ai pas cédé, j’ai beaucoup douté, mais jamais cédé…
Finalement, j’ai trouvé un poste de concepteur-rédacteur dans une petite agence web (c’était nouveau à l’époque), puis, un mois plus tard, j’ai pris en charge le marketing et la communication de l’agence. Mon job me plaisait, on était en plein boom Internet, j’avais l’impression d’être là où il fallait être.
Quand est arrivée l’heure des vœux, j’ai reçu une carte de mon ancien directeur marketing chez Avenir, qui, un an auparavant, avait pris la tête du Syndicat National de la Publicité Télévisée et qui, avec beaucoup de délicatesse, m’invitait à le rejoindre. Cet homme brillant et travailleur m’avait fait aimer l’entreprise, il était pour moi un modèle de réussite… mais on est en janvier 2000, la télévision, c’était has been, alors j’hésitais à accepter. C’est à ce moment-là que mon cher papa est intervenu en me disant que l’Internet il ne le sentait pas, que la télévision était plus sûre… étonnamment, je l’ai écouté… j’ai quitté ma web agency pour rejoindre le syndicat des régies TV en avril 2000… et quelques semaines plus tard, la bulle Internet explosait entrainant sa première vague de licenciements…
Je vous le disais, j’ai eu de la chance ! Ma chance a aussi été de travailler avec Stéphane Martin. Tout ce que j’ai appris à ses côtés, me sert toujours.
J’ai été très heureuse au SNPTV mais il a fallu, un jour, que je vole de mes propres ailes. Alors quand Bruno Belliat m’a contactée pour le poste de responsable de la communication de France Télévisions Publicité, j’ai accepté de relever le défi et aujourd’hui, je ne le regrette pas. Cette nouvelle aventure professionnelle m’enrichit chaque jour.
Vous le voyez, avec une pincée de détermination, un peu de chance, de belles rencontres et du travail, c’est comme ça que j’ai avancé.
Alors comment formuler des conseils, sans paraître « donneuse de leçons », quand on n’a que 35 ans (bientôt 36 je vous l’accorde) ?
Soit en énonçant des banalités, soit, en se tenant éloigné des conventions et en faisant parler ses tripes. J’ai choisi de partager avec vous ce que j’ai pu apprendre et qui me paraît être le plus utile… de vous livrer humblement, quelques clés pour entamer cette nouvelle étape de votre vie, vous mettre en garde mais aussi vous rassurer.
Je vais commencer par ce qui peut sembler évident pour certain et totalement absurde pour d’autres et je vais vous le dire sans détour : il faut bosser. Ne croyez pas que la réussite vient du génie, soyez réaliste, il ne peut pas y avoir 185 Steve Jobs dans cette promotion. Ne comptez pas sur la facilité pour vous tracer la voie. Il faut que vous travailliez.
Certains ont parfois l’impression que d’autres s’en sortent mieux parce qu’ils héritent du réseau professionnel ou personnel des parents, que certains secteurs d’activité sont réservés à des réseaux d’appartenance, en réalité, tout cela ne joue pas ou peu. C’est votre capacité à travailler, votre compétence qui fera la différence et qui donnera de la force à votre propre réseau. Alors pas de panique.
Le travail ne suffit pas, soyez aussi courageux. Oui, il va vous falloir du courage et un sens de l’intégration. La vie professionnelle, ce n’est pas le monde des Bisounours, l’entreprise n’est pas une démocratie. Il y a un chef, des sous chefs, il y a ceux qui se prennent pour des chefs, ceux qui aimerait être votre chef, ceux qui aimeraient être le chef à la place du chef… cela, on le comprend très vite, en tout cas, il faut impérativement le comprendre pour trouver sa place.
L’entreprise n’est pas toujours juste non plus, ce que je veux dire par là c’est qu’elle a des codes et qu’il faut les comprendre et surtout les intégrer pour s’intégrer. Parfois les décisions qui seront prises ne vous sembleront pas justes parce que quelqu’un qui travaille beaucoup, qui s’implique ou qui vous apparaît comme le plus légitime n’est pas choisi pour un poste, une promotion ou une mission. Cette personne, ça pourra être vous un jour. Mais il est important de garder en tête que le travail, même s’il n’est pas reconnu tous les jours, est la clé pour durer.
Car finalement, l’important c’est de durer… et pour durer, il faut travailler… Croyez moi, on ne fait pas longtemps illusion…
Ce que j’ai pu apprendre, c’est aussi qu’on n’a jamais fini d’apprendre. Ne croyez donc pas que vous avez fini d’apprendre. Vous avez quitté l’Espeme, il y a quelques mois, mais vous n’êtes qu’au début de votre phase d’apprentissage, vous allez continuer à apprendre de chaque instant de votre vie professionnelle. On apprend tous les jours. On apprend des autres, on apprend de ses patrons, de ses collaborateurs, de ses prestataires, on apprend de ses amis mais aussi de ses réussites, de ses échecs, de ses essais. Il faut éviter au maximum de vivre sur ces acquis. Chaque jour, il faut se remettre en question, lire, écouter, analyser, être à l’affut des nouveautés, faire le tri dans l’information et la synthétiser. C’est cela qui vous permettra d’évoluer, d’innover, d’être dans le coup, de répondre à ceux qui essaient de faire illusion.
Mes derniers conseils,
prenez des risques, suivez votre intuition, faites des choses qui vous font plaisir. Le travail occupe une si grande partie de notre temps, alors attachez vous à ce qu’il vous procure le plus de satisfaction possible. Faites-le avec vos tripes, avec votre talent et avec un peu de passion.
Avant de conclure, je voulais m’adresser aux filles de cette promotion.
J’ai une petite anecdote à vous raconter, la dernière je vous rassure. J’ai un jour été contactée pour un entretien et l’ai passé avec le fils d’une philosophe et féministe connue auteure d’un livre important pour moi intitulé « le conflit la femme et la mère », et savez-vous ce que me dit cet homme après quelques minutes d’entretien « vous savez Maud, un enfant de un an a besoin de sa mère ». C’est vrai, un enfant a toujours besoin de sa mère.
Quoi qu’on en dise quand on est une femme le chemin dans l’entreprise reste plus compliqué que pour les hommes. Je ne répondrai pas à la question si oui ou non, il existe un plafond de verre car dans l’univers de la publicité cela serait inopportun tant les grandes régies et de grandes agences de publicité sont dirigées par des femmes. Mais il est vrai qu’on se demande comment concilier sa vie professionnelle et sa vie personnelle. Est-ce le bon moment pour faire un enfant ? Est-ce que faire un enfant n’est pas un frein à ma carrière ? Quelles sont vraiment mes ambitions ? ce sont des questions que l’on se pose encore et pour cause.
Je ne veux pas vous décourager, juste vous prévenir que ce n’est pas tous les jours facile, même si vous êtes entourés par un homme aimant et brillant comme le mien, ce n’est pas tous les jours facile et rêver la vie, en avoir peur ou se poser trop de questions ne règle rien.
Jongler avec l’éducation des enfants, les réveils nocturnes, les tâches ménagères, les problèmes du quotidien, un job qui vous passionne, le tout avec sourire et bonne humeur, c’est parfois fatigant, mais c’est jouable.
L’important, c’est de vite comprendre que vous ne serez pas aidé : sauf exception, les pères n’entendent pas les enfants hurler la nuit, ne connaissent pas le numéro de la nounou, du pédiatre, de la babysitter, et ne savent pas réserver une nuit d’hôtel pour les vacances.
Mais quand votre enfant nait, naturellement vous trouverez l’énergie pour avancer et hiérarchiser vos priorités. Parce que la vie, finalement, ce n’est pas uniquement le travail. Il peut certes contribuer à votre épanouissement, mais ce pour quoi on se lève le matin c’est pour veiller sur ceux qu’on aime et pour réaliser des choses dont on sera fier. Ce qui vaut aussi pour les hommes d’ailleurs.
Alors ayez le courage de suivre votre cœur et votre intuition, faites ce qui vous semble le mieux pour être heureux et ayez confiance en vous et en votre avenir. Vous y arriverez, j’en suis certaine.
Maintenant, pour conclure, je voudrais simplement vous dire que l’Espeme m’a changée, l’Espeme m’a ouvert l’esprit, l’Espeme m’a fait découvrir un univers qui m’était totalement inconnu, celui de l’entreprise, l’Espeme m’a fait vivre des moments qui m’ont marqués et qui m’ont aidé à grandir et mûrir. Plus qu’un métier, l’Espeme m’a donné les clés du monde professionnel : adopter la bonne attitude, s’adapter aux situations complexes, faire des choix et les assumer, être responsable. Et ça c’est cela la force de notre école.
Merci.
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